Femmes et filles – Elizabeth Gaskell
Femmes et filles – Elizabeth Gaskell
(Wives and daughters)
4è de couverture
Ce roman d'amour sur fond de scandales et d'intrigues se déroule dans l'Angleterre rurale de la fin des années 1820. Il met en scène Molly, la fille rebelle d'un médecin de campagne, les aristocrates locaux qui, depuis l'imposant château de Cumnor Towers, règnent en maîtres absolus sur ce coin perdu des Midlands, les notables, les domestiques, les paysans, les animaux mais c'est avant tout la nature humaine dans la toute-puissance de ses pulsions et de ses désirs si impitoyablement réprimés par la société victorienne qu'Elizabeth Gaskell place au centre de la trame. Avec un art de la subversion qui lui est propre et une sensualité envoûtante elle nous transporte dans un univers bruissant de robes en taffetas et de commérages meurtriers, de hennissements de chevaux et de soupirs d'amour, où les femmes et les hommes sont aux prises avec l'ordinaire mystère de la vie. « Il s'agit de l'amour, comment il apparaît, comment il grandit, comment il peut briser nos cœurs ou nous rendre heureux ; il s'agit des erreurs que nous faisons et des secrets que nous devons garder... » La délicatesse de son ton et sa subtilité psychologique élèvent Elizabeth Gaskell au rang des plus grands écrivains et - malgré le siècle qui nous sépare - nous rendent son œuvre d'une intime proximité.
Elizabeth Gaskell, surnommée « Shéhérazade » par son grand ami Charles Dickens, naît à Londres en 1810. Mère de six enfants, elle trouve néanmoins le temps d'écrire des romans qui rencontrent immédiatement le succès : Mary Barton (1848), Cranford (1853), North and South (1854). Sa production littéraire importante, d'une qualité qui ne faiblit jamais, porte un regard aigu et sans concession sur la société de son époque pétrie de conventions et d'hypocrisie, elle ne craint pas d'aborder les sujets sociaux les plus brûlants, notamment la question des filles-mères dans Ruth (1853) ; à la demande du père de sa plus chère amie, Charlotte Brontë, elle écrit la biographie de cette dernière en 1857 ; puis Sylvia's Lovers (1863) ; Cousin Phillis (1863-1864). Et enfin son dernier livre, sans doute le plus attachant, Femmes et Filles (1864-1866) qui vient d'être porté à l'écran.
Je ne sais pas tellement ce que je vais pouvoir ajouter de plus à ce que dit la 4è de couverture, avec laquelle je suis entièrement d’accord. J’ai vraiment, réellement, complètement adoré ce roman. Déjà, c’est un pavé et j’adooooore les pavés. J’adore me perdre dans un livre jusqu’à en oublier qui je suis, où je suis, dans quelle époque je vis. J’adore vivre pendant des centaines de pages avec les mêmes personnages, dans les mêmes maisons, vivre leurs aventures, rire ou pleurer avec eux. C’est une des raisons notamment pour lesquelles j’aime les séries et sagas, car je suis plutôt du gente à me gaver de tout, presque jusqu’à l’écœurement... mais je m’égare. Revenons à nos moutons.
J’ai lu ce roman il y a plusieurs semaines et c’est donc à partir de mes notes de lecture que je rédige ce billet. J’avais envie d’être un peu en phase avec Lou et Cryssilda, pour le Victorian Christmas Swap.
Ce roman est une pure merveille. Il m’a divertie au plus haut point et je ne me suis pas ennuyée une seule minute. La triste nouvelle, c’est que c’est le tout dernier roman qu’Elizabeth Gaskell a écrit et elle n’a pas pu le terminer. Je ne connaissais pas ce fait avant de commencer à lire le livre et j’ai été surprise en arrivant à la dernière page et à la note de l’éditeur. L’histoire se termine donc de manière très abrupte. Les lecteurs imagineront leur propre fin. Ils peuvent accepter la fin proposée sous forme de résumé par l’éditeur, ou élaborer eux-mêmes les aventures qu’ils souhaitent faire vivre aux protagonistes…
Ce roman, comme beaucoup d’autres de l’époque, était publié sous forme de feuilleton. Elizabeth Gaskell devait donc s’assurer de la fidélité de son lectorat d’une semaine sur l’autre. Elle s’est donc mise en quatre pour trouver des rebondissements et des accroches à chaque chapitre. Il s’ensuit que le lecteur suit avec avidité les aventures de Molly et de son père, qui, bien qu’elles ne soient pas si palpitantes que cela, ce n’est pas non plus un roman policier, n’en sont pas moins fort divertissantes. La peinture de la société que fait Elizabeth Gaskell est extraordinaire de réalisme, elle dépeint tout à fait la vie à cette époque, dans son quotidien le plus prosaïque. Et l’auteur n’hésite pas à montrer les petits travers des gens, qui n’aiment rien tant que cancaner à qui mieux mieux, raconter des histoires pour se rendre intéressants ou chercher à attirer l’attention des grands du monde… C’est également sans hésitation qu’elle se moque ouvertement de ses personnages en dévoilant des personnalités ridicules ou empruntées. Et c’est raconté avec un tel humour ! Chaque paragraphe recèle des perles de sarcasme. J’ai adoré sa dérision, le ridicule dont elle affuble Mrs Gibson, et même Cynthia Kirkpatrick. Je me sens vraiment attirée par ce style qui, sous couvert de phrases sérieuses, se moque ouvertement du personnage et par lui de la vraie société.
J’ai également aimé les héros principaux, Molly et Roger, tous deux d’une droiture et d’une honnêteté qui laisse rêveur et qui finissent toujours par être floués par les autres, moins droits et moins honnêtes qu’eux. Mr Gibson, le père de Molly, m’a également bien plu, en dépit de son attitude un peu dépassée et vieillotte quelquefois (on lui pardonne, c’était l’époque qui voulait ça).
Une autre chose qui m’a beaucoup plu dans ce roman, ce sont les notes de traduction (pourtant, en général, elles me gênent plus qu’autre chose). J’ai lu le roman en français car il n’était pas disponible en anglais à la bibliothèque et pour une fois, je ne me suis pas sentie importunée par les notes de la traductrice. C’est visiblement quelqu’un qui connaît profondément la culture britannique de cette époque car toutes les notes sont pertinentes et apportent des informations précieuses et des éclaircissements sur des habitudes, des comportements, qui autrement n’auraient pas été compris par le lecteur français.
En bref, une critique des mœurs de la société anglaise au 19è, une histoire d’amour à rebondissements, une jeune fille hardie et courageuse, des bals, des convenances, le tout savamment dosé pour aboutir à un roman extraordinaire…
Une belle et grande découverte donc que j’ai faite là et que je compte bien creuser, notamment dans le cadre du Challenge ABC Classique 2009 !!