Les adaptations à l’écran des romans de Jane Austen : esthétique et idéologie – Lydia Martin
Présentation de l’éditeur
Les romans de Jane Austen (1775-1817) font l’objet d’adaptations cinématographiques bien différentes. Elles dépendent de la manière dont l’équipe du film les perçoit en fonction de l’époque du tournage et d’une foule de données, parmi lesquelles le contexte culturel, l’évolution de la pensée sociopolitique, le goût du public et l’argent investi dans la production. Intervient également l’image de la romancière sur laquelle n’existe aucun consensus critique, notamment en ce qui concerne la teneur idéologique de son œuvre.
Dans une langue claire, sans recherche d’effet, Lydia Martin explore les romans de Jane Austen et leurs adaptations, qu’il s’agisse de films d’époque ou de transpositions proximisantes se déroulant en Inde ou dans le Beverly Hills d’aujourd’hui. Elle utilise une démarche qui combine la psychocritique, l’histoire des idées et des mentalités ainsi que la critique générique, l’esthétique de la réception et l’étude plus spécifiquement économique.
C’est un billet d’Allie sur ce livre qui m’a donné envie de le lire également. J’ai donc attendu qu’il soit disponible à la bibliothèque et me suis littéralement jetée dessus dès qu’il a été remis en rayon. Et je dois dire que ce fut une lecture des plus instructives, qui m’a ouvert quelques portes quant à l’interprétation des romans de Jane !!
Le livre est construit en trois parties.
Dans la première partie, l’auteure aborde les thèmes présents dans les romans de Jane Austen, comme la famille, le mariage, la société et ses valeurs, les classes hiérarchiques, les repas, mais également l’univers féminin et, à l’aide d’exemples concrets tirés d’un corpus de films assez complet (qui va de 1940 à 2005), étudie la manière dont ils ont été transposés à l’écran et comment ces thèmes ont été traités.
Dans une deuxième partie, l’auteure s’attarde sur les problèmes liés à l’adaptation à l’écran, les questions qui se posent lorsqu’il faut choisir les éléments à garder absolument et ceux dont on peut se passer, en fonction des objectifs de l’équipe de tournage. Elle étudie également la question de la fidélité et les choix des réalisateurs. Doit-on être fidèle au texte, à l’idéologie de l’auteure ? Et comment transcrire en image l’ironie dont fait preuve Jane Austen ? Lydia Martin étudie également dans cette deuxième partie les contraintes qui se présentent lorsqu’on passe de l’écrit à l’image, sans oublier l’attention portée (ou non) aux détails par les différents metteurs en scène (costumes, décors, repas, musique, loisirs quotidiens, habitudes de vie).
La troisième partie porte plus sur la réception des romans par le public et l’interprétation des romans. Elle parle du rapport de Jane Austen avec les romans, de l’ironie et de la satire qu’elle a choisi d’employer dans sa narration et de la manière dont les metteurs en scène ont choisi de les traduire en image. Elle aborde également le féminisme des romans de Jane Austen et les choix des réalisateurs par rapport à ce sujet, comment ils ont choisi de représenter les relations entre les hommes et les femmes. Enfin, Lydia Martin ne pouvait pas ne pas parler du gothique et du classicisme dans les romans de Jane Austen et leur retranscription dans les films, sujet qui clôt son livre.
L’analyse de Lydia Martin est des plus intéressantes. Sans forcément révolutionner l’interprétation de l’œuvre de Jane Austen, ni entrer en profondeur dans les détails, elle ouvre de nombreuses pistes qui facilite la compréhension des films et des écarts entre les films et les romans. Cette question de la fidélité est une des parties qui m’a le plus intéressée et j’aurais aimé qu’elle soit abordée plus en profondeur, mais elle m’a ouvert les yeux sur les contraintes auxquelles sont confrontés les réalisateurs. Car malheureusement pour moi, j’aurais tendance à faire partie des puristes en la matière et je suis souvent déçue par les adaptations des livres que j’ai aimés. Le choix des acteurs et les écarts par rapport au roman d’origine me déplaisent souvent. L’analyse de Lydia Martin, sans changer mon opinion en la matière, m’a sensibilisée aux contraintes techniques auxquelles sont confrontées les équipes de tournages. Les arguments que l’auteure développe pour expliquer ce qui motive les éloignements par rapport au sacro-saint roman (comme par exemple l’envie d’un metteur en scène de mettre l’accent sur tel ou tel aspect du livre, l’envie de ce même metteur en scène de répondre aux attentes du public, qui, souvent, n’a pas lu l’œuvre en question, les problèmes de budget et les contraintes techniques qui imposent certains décors) m’ont permis de comprendre ces choix et si je continue de ne pas en approuver certains, je pense être plus compréhensive maintenant. Un film n’est pas un roman et il ne s’adresse pas au même public…
J’ai également beaucoup aimé les explications de Lydia Martin concernant l’attention portée aux détails tels que les costumes, etc. Les descriptions des vêtements, des décors étant quand même assez peu nombreuses dans les romans de Jane Austen, reconstituer un univers si loin de nous demande une recherche approfondie sur la mode de l’époque afin de ne pas vêtir les acteurs de costumes complètement anachroniques. Je me suis souvent demandée en regardant les adaptations des romans de notre chère Jane (non pas que j’en ai vues beaucoup, en fait, j’en ai vues trois : Sense and Sensibility 1995, Pride and Prejudice 1995 et Pride and Prejudice 2005) si les costumes étaient vraiment de la sorte… Bref, ce fut une partie qui m’a beaucoup intéressée.
Un des sujets abordés qui m’a également beaucoup intéressée, c’est la transformation qu’ont subi les héros masculins. Les personnages masculins sont assez peu développés dans les romans de Jane, à bien y regarder, et en général, ils sont assez insipides (si on excepte Darcy et le Colonel Brandon...) et peu entreprenants. Jane a fait le choix de s’attarder bien plus sur l’âme féminine que sur l’âme masculine. Toutefois, les adaptations redorent le blason des héros et les présentent souvent sous un jour plus favorable que celui qu’avait choisi Jane (je pense notamment à Edward Ferrars, qui semble plus dégourdi dans le film que dans Sense and sensibility, de même que Willoughby, qui est présenté comme moins impardonnable dans le film que dans le livre).
Par contre, n’ayant vu que trois adaptations (auxquelles il faut ajouter Bridget Jones’s diary et The Edge of reason), je me suis souvent sentie frustrée de ne pouvoir complètement comprendre les références de l’auteure à toutes les autres adaptations. Car l’auteure s’est basée sur un corpus de plusieurs adaptations qui remontent pour certaines jusque dans les années 1940 et, en plus, a intégré à son étude Bride and Prejudice (Coup de foudre à Bollywood), Clueless et les deux Bridget Jones. Beaucoup de références à des films que je n’avais pas vus, donc, qui rendaient le propos moins clair pour moi, mais je me dis que c’est entièrement de ma faute et que ce n’est pas le fait de l’auteure. Toutefois, je suis quand même passée à côté de certaines explications à cause de cela, surtout concernant le traitement du gothique dans les adaptations de Northanger Abbey ! Bon, il va donc falloir que je visionne tous ces films et que je relise cet ouvrage !
En parlant de relecture, j’ai regretté que ce soit un livre de la bibliothèque car c’est tout à fait le genre de livre dont j’aimerais relire des passages de temps à autres…. Peut-être que je le trouverai un jour, sinon, je retournerai l’emprunter à la bibliothèque. J’ai de la chance, elle n’est pas loin de chez moi…
Bref, un ouvrage des plus intéressants, que toute Janéite se doit de lire absoooooolument !!!