Emma – Jane Austen
Emma est l’avant dernier des romans achevés de Jane Austen. Écrit en 1814, il a été publié en 1815 (décembre, même, d’après Wikipédia), même si la page de garde parle de 1816. D’après ce que dit la postface de mon édition (10/18), l’héroïne de ce roman de Jane Austen est la plus française des héroïnes et que pour cette raison, Jane avait peur qu’on ne l’aime pas. N’ayant pas la moindre idée de la différence entre une héroïne française et une héroïne anglaise (il semblerait que ça ait un rapport avec le fait qu’Emma ne soit pas elle-même passionnée et romantique, mais plutôt le contraire… mais peut-être que je me trompe), je me contente de vous répéter l’information…
J’ai lu ce roman en français. Je sais, je sais, ça vous étonne et je crois que c’est le seul roman de Jane que j’ai lu en français depuis que je suis capable de lire des classiques en anglais (soit depuis une petite dizaine d’année). L’explication est très simple : ce fut un cadeau, pour Noël l’an dernier… c’était la première fois que je lisais Emma. Je dois reconnaître que c’est une sensation très étrange que de lire Jane Austen en français maintenant…
Mais commençons par le commencement.
Emma Woodhouse, qui donne son nom au roman, est une jeune femme d’une vingtaine d’année, présentée comme étant jolie, intelligente et riche. À ces adjectifs, il faudrait également ajouter entêtée et pourrie gâtée par l’ensemble de son entourage, qui lui passe tous ses caprices. Emma vit avec son père, Mr Woodhouse, à Highbury. Avec quelques autres, ils représentent la fine société de la ville. Lorsque s’ouvre le roman, la préceptrice d’Emma, Miss Taylor, vient d’épouser un certain Mr Weston et a donc quitté la demeure des Woodhouse, ce qui peine beaucoup le maître de maison, lequel plaint bien sincèrement sa « chère Miss Taylor ». Car Mr Woodhouse estime que tout changement est forcément mauvais pour toutes les personnes qu’il touche. Mr Woodhouse est également un hypocondriaque fini, qui craint le moindre courant d’air et juge que la nourriture est mauvaise pour le corps (hormis le bouillon et quelques viandes bien cuites, sans graisse). Bref. La nouvelle Mrs Weston est donc très heureuse en ménage et Emma se considère comme l’instrument de ce bonheur. Persuadée d’avoir un don pour ces choses-là, Emma s’auto-désigne aussitôt marieuse officielle de Highbury. Quand, peu de temps après, lui est présentée Harriet Smith, une orpheline à la parenté mystérieuse, il n’en faut pas plus à Emma pour se convaincre que le père d’Harriet est riche et respectable et qu’elle mérite tout à fait un mari convenable (pas un agriculteur comme Mr Martin). Elle porte alors son choix sur Mr Elton, le vicaire de la paroisse, qui passait par là …
Pendant que cet aspect de l’histoire suit son cours, tant bien que mal, entrent en scène deux autres personnages, Jane Fairfax, une jeune femme d’une grande élégance sans le sou, nièce des voisines d’Emma et que cette dernière s’entête à vouloir dénigrer en son for intérieur tout en ne pouvant s’empêcher de l’admirer, et Frank Churchill, le fils de Mr Weston, issu d’un précédent mariage. Ce jeune homme a à peu près l’âge d’Emma et tout de suite, les deux jeunes gens s’entendent comme larrons en foire.
Bien entendu, je ne vais pas vous raconter les détails de l’intrigue, mais sachez que rien ne se passera comme Emma l’avait prévu et qu’elle finira par comprendre qu’à jouer avec les sentiments des autres, elle risque bien de voir ses manigances lui retomber sur le coin du nez…
Ah, j’oubliais de parler de l’Homme de l’histoire (car oui, il y a toujours un homme pour épouser l’héroïne). L’Homme d’Emma se nomme Mr George Knightley. C’est le frère du beau-frère d’Emma (donc le frère du mari de sa sœur Isabelle, vous me suivez ?). Il a une quinzaine d’années de plus qu’elle (bien tassées, ces quinze années). Tout au long de des élucubrations d’Emma, c’est le seul à essayer de la raisonner et à essayer de lui montrer l’inconvenance de sa conduite. Il est son mentor, son ange gardien, son âme et sa conscience. Un homme sensé et très raisonnable, dont le romantisme est… inexistant.
Il va de soi que vu le nombre de pages que contient le roman, je ne vous en ai raconté que le dixième. Il y a de nombreux autres personnages qui participent à cette superbe satire de la société Georgienne. Mais pour une fois, je ferai court (une fois n’est pas coutume, chers lecteurs).
Emma est bien différent des autres romans de Jane Austen. Je n’ai pas la prétention de faire une analyse du roman, alors je me contenterai de dire que la différence majeure vient du fait qu’Emma est riche. Il s’agit de la seule héroïne qui n’a aucun problème d’argent et qui, de ce fait, n’a pas besoin de se marier pour assurer son avenir. Du coup, Emma avoue franchement n’avoir aucunement l’intention de se marier. Car selon ses propres termes, nulle part ailleurs elle ne pourra retrouver la même liberté que celle qu’elle goûte chez son père. Car chez son père, elle est la maîtresse de maison, mais en plus, elle régente le petit monde qui l’entoure, elle a tout l’argent dont elle a besoin et se consacre à tous les loisirs dont elle a envie (et les abandonne souvent aussitôt) et ses amis viennent lui rendre visite quotidiennement, ou presque. Quel intérêt en effet aurait-elle à se marier ? Elle est en outre persuadée de ne jamais tomber amoureuse de personne, que l’amour, ce n’est pas pour elle. Qu’il est plus intéressant de s’occuper du cœur des autres que du sien.
Je trouve qu’Emma est un personnage très intéressant. Elle est intelligente mais elle se laisse aveugler par ses envies et s’entête à ne pas voir les situations telles qu’elles sont, mais plutôt comme elle le souhaiterait. Elle est attentive aux autres, mais en même temps, elle blesse son entourage par des remarques de jeune fille gâtée. Elle se croit fine psychologue mais se trompe toujours sur les gens. Et pourtant, quand elle se rend compte qu’elle s’est trompée, elle est la première à vouloir faire amende honorable et chercher à se faire pardonner. Elle a les intérêts de son père très à cœur et fait très attention à son bien-être, tout en n’en faisant qu’à sa tête. Bref, Emma est un personnage complexe, je pense, qui mérite vraiment que l’on s’y attarde.
J’aime tous les romans de Jane Austen. Cela, très chers lecteurs, vous le savez déjà, ce n’est pas une révélation. Je les aime tous d’une manière différente et pour des raisons différentes. Certains me font réellement vibrer et c’est le cœur battant que je les lis. D’autres me font rire. C’est le cas pour Emma.
J’aime ce roman parce qu’il me fait énormément rire et parce que je trouve que Jane Austen y est à son meilleur en matière de satire de la société. Dans ce roman, le ridicule n’épargne qu’un nombre très limité de personnes, Jane Fairfax, par exemple, ou Mr Knightley (quoique je trouve que la manière dont il se déclare n’est pas à la hauteur de ce que j’attendais de lui). Prenons Mr Woodhouse, par exemple : à cause de ses manies et de ses habitudes, de ses exigences et de ses préférences, je trouve qu’il est l’incarnation même du ridicule. Idem pour Augusta Elton : à peine a-t-elle présentée à la bonne société de Highbury qu’elle se prend pour un élément clé de la société et entend bien la régenter complètement… ce qui ne fait pas vraiment l’affaire d’Emma, qui se considère elle-même comme le pilier et le pivot de Highbury. La manière dont Jane Austen présente, décrit et met en scène tous ces personnages est vraiment extraordinaire. Elle se moque doucement d’eux. Elle n’épargne personne et chaque protagoniste en prend pour son grade, de manière toujours très humoristique. C’est ce qui fait l’intérêt du roman à mes yeux et la raison pour laquelle j’aime le lire.
Il va de soi, chers lecteurs, que j’ai ajouté l’adaptation avec Gwyneth Palthrow à ma DVDthèque et que je vais la regarder bientôt (après tout, n’ai-je pas dit que je suivais Fashion dans son challenge Jane Austen ?). Je compte par ailleurs également relire le roman (pas tout de suite, il s’entend), car je pense que je ne le connais pas encore assez et que je passe à côté de beaucoup de choses. Il me faut encore une ou deux relectures pour parvenir à en percer les secrets et en découvrir les aspects cachés, ceux qui n’apparaissent qu’une fois que l’on a une connaissance intrinsèque du roman… alors, rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle relecture de l’œuvre de Jane Austen !!!