Drood – Dan Simmons
Le 9 juin 1865, Dickens et sa maîtresse reviennent en secret à Londres lorsque leur express tombe dans un trou sur la voie. Tous les wagons de première classe s’écrasent dans la vallée, à l’exception de celui qui transporte Dickens… Lorsque ce dernier descend dans la vallée pour essayer de porter secours aux survivants, une rencontre avec un mystérieux personnage va changer sa vie pour toujours…
Voilà donc le billet sur un livre dont nous parlons beaucoup depuis un bon mois, Karine et moi. Maintenant que le livre est lu et le billet publié, nous allons pouvoir passer à autre chose J ! Je suis sûre que vous serez tous soulagés de ne plus nous entendre parler de Drood à tort et à travers !
Bon, de quoi est-il question dans ce livre. Isil en a déjà parlé et normalement, Karine publie son billet en même temps que moi. Je vous enjoins donc à consulter leurs blogs pour avoir d’autres points de vue que le mien !
Dans ce roman, il est question de deux auteurs que vous et moi, chers lecteurs, connaissons très bien suite au magnifique swap victorien organisé par nos deux Victoriennes de cœur, Lou et Cryssilda : Charles Dickens et William Wilkie Collins. De manière plus précise, il est question des cinq dernières années de la vie de Charles Dickens racontées par Wilkie Collins, que tout le monde sait être un grand ami de Dickens.
Mais il n’est pas seulement question d’eux. Il est aussi question de Drood. Drood est un personnage très mystérieux dont on ne sait pas tellement de choses. Il apparaît à Dickens tel un fantôme le jour de l’accident et fait ensuite son apparition à quelques reprises dans le roman, mais finalement, il est un peu comme la fameuse Arlésienne de Daudet. On en parle beaucoup mais on le voit peu. Par contre, de ce qu’on sait, c’est un personnage dangereux, trèèèèès dangereux, que je ne voudrais rencontrer dans une ruelle sombre pour rien au monde !!! Comme on s’en doute, je ne spoile rien en disant cela, Drood est ici le personnage qui a inspiré à Dickens son dernier roman, dont il a été question dans cet humble blog il y a de cela quelques semaines et qui a fait couler beaucoup d’encre parmi les aficionados du maître, à savoir The Mystery of Edwin Drood (ou MED, pour les experts).
Je n’ai pas l’intention de spoiler le roman ici, donc je vais essayer de me contenter de remarques d’ordre générales sur l’impression que m’a laissé ce roman. J’ai terminé de le lire samedi soir, épuisée par deux semaines de lecture intense et la première impression qui s’échappe de ma lecture est que même si d’un point de vue linguistique le roman n’est pas difficile à comprendre, j’ai trouvé cette lecture épuisante. Après avoir tourné les dernières pages du roman, j’ai ressenti comme une fatigue intellectuelle et un besoin de faire un break. C’est dire à quel point ce roman est dense ! Car ce sont 800 pages (770 pour être précise) bien pleines et qui racontent énormément de choses. 5 ans de la vie de Dickens et de Collins racontées en 800 pages, on ne croirait pas, mais c’est du lourd ! Pourtant, malgré cette fatigue intellectuelle (accentuée par le travail, on s’entend) ne s’accompagne pas d’un avis négatif. Au contraire. La fin m’a réconciliée avec l’ensemble du roman. Car j’avoue que je me suis très souvent demandée où tout cela nous menait. Collins est le roi de la digression et je pense qu’environ 200 pages de ce roman auraient pu être coupées. Mais elles sont là et elles concourent à nous donner une autre vision de Collins.
Ce roman, chers lecteurs, tourne beaucoup, mais vraiment beaucoup, autour de la dépendance de Collins au laudanum et à l’opium pur et aux effets que la prise de cette drogue a pu avoir sur sa « santé mentale ». Je ne sais pas si vous le savez, mais Collins avait lui-même avoué être tellement dépend au laudanum, qu’il prenait pour soulager sa goutte, qu’il ne se souvenait pas avoir rédigé la moitié de son roman le plus connu, The Moonstone (d’ailleurs, j’aime autant vous le dire, chers lecteurs, je vous conseille de lire ce livre avant de lire Drood si vous voulez garder tout le mystère du roman, car il est décortiqué en long, en large et en travers et la solution du mystère est également fournie, vous êtes prévenus…). C’est exactement cet aspect de sa vie qui est mis en avant dans ce roman et c’est ce qui fait exactement la particularité du roman. On ne sait JAMAIS si ce que Wilkie Collins raconte est la vérité ou une sorte d’hallucination sortie de son imagination d’opiomane paranoïaque. J’avoue que cet aspect du roman m’a plus d’une fois déstabilisée et il est arrivé plus d’une fois de ne pas croire tout simplement à ce que je lisais. Le personnage de Wilkie Collins est présenté ici comme un être parfaitement désagréable, macho au possible (je ne parlerais pas de son comportement envers sa compagne, je risquerais de devenir moi aussi désagréable) et paranoïaque qui plus est. Si je n’avais pas déjà lu et adoré La Dame en blanc, je ne suis pas sûre que j’aurais eu envie de le découvrir après avoir lu ce roman ! Il est présenté comme un personnage ambigu, qui oscille entre une admiration sans borne et une haine féroce pour son ami et mentor Dickens. On dit souvent que l’amour et la haine sont deux sentiments très proches l’un de l’autre, ce roman en est l’illustration parfaite ! Il est plus ou moins réhabilité dans les dernières pages du livre, que les pro-Wilkie se rassurent !
Donc, je disais que le roman tourne principalement autour de l’addiction à l’opium de Collins, puisque c’est lui le narrateur, et des méfaits sur sa santé mentale. C’est fou, quand on y pense, la manière dont cette drogue influe sur la perception du monde qui entoure ! Si je ne connaissais pas si bien Dan Simmons et si je ne savais pas qu’il effectue des recherches très minutieuses avant d’écrire un roman, je n’y aurais tout simplement pas cru ! Déjà que même en sachant cela, il y a beaucoup de passage qui m’ont semblés très étranges et bizarres…
Mais ce roman tourne aussi autour de Dickens. Il est quand même question des cinq dernières années de sa vie, ne l’oublions pas et les digressions d’opiomane de Collins viennent se greffer sur le récit de la vie de l’auteur de Our Mutual Friend et de Bleak House. Il est beaucoup question de ces deux romans dans l’histoire et devinez quoi ??? J’ai très très envie de les lire maintenant ! C’est un des points qui m’a le plus plu dans ce roman, l’abondance de référence à l’œuvre de Dickens et de Collins et la manière dont elle prend sa source dans leur quotidien à tous les deux, avec quelques extraits qui m’ont mis l’eau à la bouche, je ne vous en dis pas plus, chers lecteurs !!
Ce roman tourne autour de Dickens, l’auteur, mais aussi Dickens l’adepte du mesmérisme. Bon nombre d’aspects du roman tournent autour de cette discipline dont Dickens était particulièrement friand et qu’il pratiquait lui-même sur les autres.
Un des aspects du roman qui m’a le plus plu, ce sont bien évidemment toutes les références, qui en ont fait la raison pour laquelle j’ai aimé. S’il avait été question d’autres personnalités, je ne suis pas totalement sûre que j’aurais aimé autant que cela. Mais voilà, c’était Dickens, c’était Collins, c’était autour de la littérature, alors il ne m’en fallait pas plus. Le livre se lit globalement assez vite (certes, j’ai mis deux semaines, mais il faut savoir que ce furent deux semaines difficiles au travail et que je rentrais épuisée le soir et donc je n’avais pas la force de lire très tard) car le style est assez clair. Ce n’est pas tout à fait celui des Victoriens, mais il s’en rapproche assez pour faire illusion. D’ailleurs, j’ai été vraiment surprise les premières pages car j’ai lu plusieurs livres de Dan Simmons et le style qu’il a adopté ici est bien loin de celui que j’ai l’habitude de lire dans ses romans… mais une fois la surprise des premières pages passée, je me suis mise dedans et je n’en suis plus ressortie. La langue est prenante et on a du mal à se détacher du roman une fois qu’on l’a commencé. Les premières 400 pages sont assez longues, car denses du point de vue des informations qui sont fournies, mais les 400 suivantes se concentrent surtout sur l’action et l’intrigue du roman. Malgré l’aspect bizarre de certains passages, le lecteur est tellement pris par sa lecture qu’il continue de tourner les pages, les unes après les autres, avide d’en savoir plus et de comprendre. Il faut d’ailleurs attendre la fin pour comprendre. Je ne vous en dis pas plus, si ce n’est le même conseil qu’Isil, soyez attentifs dès le début… je pense vraiment que c’est un livre que je relirai, car il est tellement dense qu’on ne peut pas tout saisir à la première lecture (du moins, moi, je ne peux pas). Je pense que j’attendrai d’avoir écumé une grande partie de l’œuvre de Dickens et de Wilkie Collins pour le relire, histoire de mieux comprendre les références aux personnages dont il est question. J’ai loupé beaucoup de références parce que je n’avais pas lu Bleak House et Our Mutual Friend !
Voilà, chers lecteurs, c’est la fin de mon billet. Très long, et pourtant, j’ai l’impression de n’avoir rien dit. Mais je ne veux pas trop en dévoiler pour ne pas spoiler ceux qui souhaiteraient lire ce roman. Je suis sûre que maintenant que vous êtes arrivés à la fin de ce billet, vous vous demandez encore si j’ai aimé ou pas… OUI, chers lecteurs, j’ai aimé. Malgré tout ce que j’ai pu dire, malgré toutes mes réticences et mes doutes durant la lecture, malgré le fait que je n’arrivais tout simplement pas à associer le personnage décrit ici avec celui qui a pu écrire The Woman in White, que j’ai tellement aimé, j’ai aimé ce roman chers lecteurs. Alors oui, je le conseille à tous ceux qui aiment Dickens et Collins… maintenant, à vous de voir si vous souhaitez le lire ou pas !!