Le vrai cul du diable – Percy Kemp
Anna Bravo achète un petit meuble d'angle vénitien du début du XVIIIe siècle, avec son miroir de Murano. Elle entretient un rapport particulier avec les miroirs. Avec celui-ci, sa vie va basculer... Voici donc la curieuse histoire d'une femme et de son reflet, d'une femme et de son image. Le miroir, dit un proverbe du Moyen Age, est " le vrai cul du diable ". Dans ce roman subtil et surprenant, le troisième d'une trilogie sur les sens, Percy Kemp décrit le plus effroyable des regards. Non pas celui que nous portons sur nous-mêmes, pas même celui que les autres portent sur nous, mais le regard, impitoyable, qui naît du décalage effarant entre la perception que nous avons de nous-mêmes et celle que les autres ont de nous.
Ce livre me faisait de l’œil sur les blogs depuis quelques temps. Il m’intriguait et ces histoires de fascination à l’endroit de son propre reflet m’intéressent toujours. Donc, j’ai profité d’une de mes nombreuses visite dans ma librairie favorite pour l’ajouter aux autres livres (alors que je n’achète quasiment pas de romans en grande édition, j’attends généralement la sortie en poche). Ce roman faisait partie du trio gagnant que j’ai emporté dans le bus avec moi.
Il n’est vraiment pas facile à résumer, ce roman. Il s’agit en fait de la fascination (encore une) qu’exerce son reflet dans un certain miroir sur une femme qui d’ordinaire ne se regarde que très peu dans les miroirs en temps ordinaire. Une fascination sans nom, qui lui fait prendre conscience du regard des autres et qui la déstabilise. Qui la pousse à des extrémités.
C’est un roman très intéressant et pour plusieurs raisons. Il y a d’abord cette fascination, à la fois normale et anormale pour son propre reflet. Ce que le regard que nous portons sur nous-mêmes peut impliquer, comment il influe sur notre comportement et sur notre personnalité. Tout notre être tourne autour de ce regard que nous avons de nous-mêmes et la seule manière de nous voir, c’est par les miroirs. C’est ce regard qui est étudié là. Une étude que j’ai trouvée fascinante et en même temps un peu excessive, sur la fin. J’ai du mal simplement à y croire.
Mais ce n’est pas l’histoire qui m’a plu dans ce roman, même si je la trouve intéressante, bien que simplement trop. Non, la raison pour laquelle j’ai adoré ce roman est toute autre. Ce qui m’a emportée littéralement, dans ce roman, c’est la langue qui est utilisée. Une langue que je n’avais encore jamais vue aussi belle, aussi érudite, aussi recherchée. J’y ai rencontré pléthore de mots que je ne connaissais pas et j’ai souvent regretté de ne pas avoir pensé à noter ces mots au fur et à mesure. Cette langue regorge de jeux d’esprits et de jeux de mots tels que les palindromes qui plaisent tant à l’héroïne. Et toutes ces belles phrases qui font rêver, que l’on voudrait savoir dire et écrire soi-même sont ornées d’un humour sous-jacent auquel je n’ai simplement pas pu résister. On le sent tellement à toutes les phrases, à tous les mots, qu’on ne peut que succomber à ce chant enchanteur qui nous emporte dans le monde des belles lettres et des phrases qui sonnent bien.
Et puis, cerise sur le gâteau, une petite moquerie d’un homme politique qui m’a assez fait rire et que j’ai trouvée extrêmement bien faite… J
Il n’est pas facile d’en dire suffisamment pour vous donner envie sans en dire trop, pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte… ce que je peux vous dire, en bref, c’est que ce fut une très très belle découverte, chers lecteurs, qui m’a donné envie de lire les autres livres de cette trilogie sur les sens dont il est question dans la présentation de l’éditeur, rien que pour retrouver encore cette belle langue… Et j’ajouterais que depuis que j’ai lu ce livre, je ne regarde plus ma brosse à dent de la même manière !!
Le vrai cul du diable
Percy Kemp
Le Cherche-midi, 165 pages