La Peur – Stefan Zweig
Ce recueil de six nouvelles illustre à la perfection le génie de l’observation de Stefan Zweig, son sens magistral de la psychologie dans l’analyse des comportements humains. Romain Rolland lui attribuait «ce démon de voir et de savoir et de vivre toutes les vies, qui a fait de lui un pèlerin passionné, et toujours en voyage». Admirateur de Maupassant, Zweig voulait, dans ces six chefs-d’œuvre, «résumer le destin d’un individu dans un minimum d’espace et donner dans une nouvelle la substance d’un livre».
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Caroline, dans sa grande mansuétude, m’a offert pour mon anniversaire deux recueils de nouvelles de son auteur chouchou (enfin, un de ses auteurs chouchou), Stefan Zweig. « Pour que je continue ma découverte », précisait son petit mot.
Obéissante, j’ai continué ma découverte. Et autant vous le dire tout de suite, je n’ai absolument pas l’intention de l’interrompre en si bon chemin ! D’une parce qu’un autre recueil accompagnait La Peur, mais aussi parce que je viens de faire l’acquisition de Printemps au Prater et Voyage dans le passé. Oui, je crois que je suis à mon tour contaminée.
La peur (et autres nouvelles, pourrait-on ajouter au titre du recueil) est composé de plusieurs nouvelles :
- la nouvelle éponyme, La Peur
- Révélation inattendue d’un métier
- Leporella
- La femme et le paysage
- Le bouquiniste Mendel
- La Collection invisible
La première nouvelle, La Peur, met en scène une jeune femme, Irène, mariée à un juge d’instruction. Irène aime son mari, mais Irène a un amant. Et Irène se fait surprendre chez son amant par une femme de basse condition. La peur commence à prendre possession d’elle, mais elle oublie bien vite sa mésaventure et reprend ses rendez-vous avec son amant, dont on apprend qu'il est devenu son amant un peu par hasard. Mais voilà, cette histoire ne va pas en rester là et la femme retrouve bien vite Irène, et commence à la faire chanter. La peur, l’angoisse, le stress, toutes ces émotions commencent à s’emparer d’Irène, jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus et tente de mettre fin à ce chantage…
La seconde nouvelle, Révélation inattendue d’un métier, est racontée à la première personne. Un homme en observe un autre dans la rue, cherchant à deviner son métier. Il pense d’abord à un représentant de l’ordre en civil, mais en vient bien vite à la conclusion qu’il s’agit en fait d’un pickpocket. Et commence là pour le narrateur une fascination pour son sujet d’observation qui va le pousser à le suivre jusqu’au bout…
Leporellaest le surnom donné à une jeune femme de basse condition par son maître. Leporella a son maître en admiration mais la femme de celui-ci en horreur… l’admiration sans borne qu’elle voue à Monsieur, qui a eu un jour la bonne idée de plaisanter avec elle et de lui raconter qu’il est allé séjourner par le passé dans la région natale de la jeune femme, une admiration qui la poussera à certaines extrémités…
Dans La Femme et le Paysage, Zweig nous raconte une soirée d’orage, pendant laquelle une jeune femme, totalement inconsciente de ses actes, limite somnabule, se laisse aller à quémander quelques plaisirs charnels auprès du narrateur…
Le bouquiniste Mendel nous raconte la vie de Jacob Mendel, un bouquiniste doté de la mémoire la plus prodigieuse au monde. Et de ce qui est advenu de lui lorsque la police a pensé que son courrier était suspect, en ces temps de guerre…
Et enfin, la Collection invisible nous raconte comment un homme devenu aveugle avec la vieillesse a passé toute sa vie à collection des étampes d’une valeur inestimable et comment sa femme et sa fille, forcée par la dévaluation de l’argent, par la guerre et la difficulté de se procurer de la nourriture, se sont vues obligées de revendre sa collection petit à petit, sans rien lui dire…
Je vais sûrement vous sembler très originale, chers lecteurs, mais ces nouvelles, que j’ai aimé à des degrés différents et pour des raisons différentes, sont l’œuvre d’un grand maître. Dans chacune d’elle, Stefan Zweig y démontre un talent mille fois constaté et jamais démenti, une maîtrise de la narration, une connaissance des profondeurs de l’âme humaine, de ses rouages, de son fonctionnement, il fait preuve d’une telle maîtrise dans l’art de décrire les comportements humains que même si le sujet nous intéresse moins, l’on ne peut s’empêcher de se laisser porter par les mots, par les émotions, par les sentiments qu’ils nous décrits. Aussi à l’aise pour décrypter les mécanismes de la peur que ceux du désir, doué tant pour la narration à la première personne qu’à la troisième, Zweig emporte son lecteur exactement là où il veut l’emmener.
Dans ce recueil, j’ai été touchée par plusieurs nouvelles, mais c’est surtout Le Bouquiniste Mendel et La Collection Invisible qui m’ont le plus parlé, qui sont le plus venu me chercher. En revanche, j’ai adoré La Peur et Révélation inattendue d’un métier, par la fascination que j’ai ressenti face au talent de Zweig. J’étais admirative de la connaissance des hommes dont Zweig fait preuve dans ces deux nouvelles. J’avoue avoir été peu intéressée par Leporella, et, aussi bizarre que ça puisse paraître, par La Femme et le Paysage, qui, malgré le sujet qui avait tout pour me passionner, m’a laissée un peu de glace.
All in all, chers lecteurs, cette lecture n’a fait que me conforter dans mon envie de suivre Caroline et Karine dans leur exploration de leur auteur chouchou. Je ne vais pas m’inscrire au défi Zweig, il est trop tard et je préfère le lire à mon rythme, mais assurément, je ne vais pas traîner pour lire les autres nouvelles de lui que j’ai maintenant dans ma PAL : Voyages, Printemps au Prater et Voyage dans le Passé. Avant d’aller acheter les autres…
(Titre original) Angst
(Traduction) La Peur
Stefan Zweig