La sonate à Kreuzer – Le bonheur conjugal – Le diable – Léon Tolstoï
Je posai le révolver et le recouvris d’un journal. Je m’approchais de la porte et l’ouvris. C’était la sœur de ma femme, une veuve à la fois bonne et stupide…
- Vassia, va la voir. Ah ! C’est affreux, dit-elle.
« Aller la voir ? » m’interrogeai-je. Aussitôt je me répondis qu’il fallait aller la voir, que probablement cela se faisait toujours. Quant un mari, comme moi, avait tué sa femme, il fallait certainement qu’il aille la voir. « Si cela se fait, il faut y aller, me dis-je. Et si nécessaire j’aurai toujours le temps », songea-je à propos de mon intention de me suicider…
- Attends dis-je à ma belle-sœur, c’est bête d’y aller sans bottes, laisse-moi au moins mettre mes pantoufles.
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Trois nouvelles regroupées dans un même ouvrage, trois nouvelles dont la thématique, le mariage et le bonheur dans le mariage, constitue le point commun : La Sonate à Kreuzer, Le bonheur conjugal et Le diable.
Je dois vous dire avant toute chose que je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en commençant ma lecture de ce recueil. Je savais globalement que la Sonate à Kreuzer portait sur l’assassinat d’une femme par son mari, mais je n’en savais pas plus. Je m’attendais toutefois à plus de présence de la musique, ce qui n’a pas vraiment été le cas ! Pour vous dire la vérité, j’ai longtemps cherché le rapport entre l’histoire et le titre, jusqu’à ce que l’explication me soit donnée vers la fin de cette courte nouvelle…
Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs et pitchons, chers lecteurs, puisque c’est la coutume !
Je vous disais que le bonheur dans le mariage constituait le point commun à ces trois nouvelles…
La sonate à Kreuzer raconte comment un homme, dévoré par la jalousie, a fini par simplement assassiner sa femme parce qu’il la soupçonnait de le tromper avec son professeur de musique.
Le bonheur conjugal raconte comment une jeune femme épousa l’ami de la famille après le décès de ses parents et comment après avoir un peu tâtonné, elle a fini par touver le bonheur dans son couple grâce à ses enfants.
Et Le Diable raconte l’histoire d’un homme qui se trouve dévoré par la tentation que représente une ancienne maîtresse après son mariage.
Je dois vous dire tout de suite, chers lecteurs, que je suis partagée quant à ces trois nouvelles. Si j’aime globalement le style et la prose de Tolstoï, je dois avouer qu’il m’ennuie royalement quand il se lance dans ses discours philisophiques et moralistes. Déjà, dans Anna Karénine, que j’ai lu voilà 12 ans environs, j’appréhendais les discours de Levine… heureusement que j’aime le reste de l’histoire, parce que ces passages ont été une vraie torture pour moi ! C’est à peu près ce qu’il s’est produit chez moi pour ce recueil. Je crois bien que la lecture la plus difficile a été celle de La Sonate à Kreuzer, qui commence, pendant une bonne moitié de la nouvelle, par un discours sans fin sur la déchéance humaine au travers de l’acte sexuel, qui ramène l’homme à l’état de bête non seulement quand il est pratiqué hors mariage, mais encore plus quand il est pratiqué DANS le mariage. Un discours auquel Tolstoï, si l’on en croit la postface de cette nouvelle, croyait vraiment… j’avoue que j’ai réellement eu du mal à accrocher à cette partie de la nouvelle, d’une part parce que je ne pouvais pas partager les opinions si âprement défendues, mais aussi parce que c’était ennuyeux au possible.
Heureusement pour moi, la seconde moitié de la nouvelle portait plus sur l’histoire de cet assassinat que sur les opinions du héros et j’ai bien plus accroché à cette peinture de la mécanique de la jalousie et des instincts violents qui se sont emparés de notre héros pour l’amener à tout interpréter de travers et commettre l’irréparable… la manière dont Tolstoï dépeint la situation, les facteurs psychologiques qui ont totalement modifié la perception de la réalité, m’a bien plus intéressée et au final, je conserve un sentiment globalement positif pour cette nouvelle.
Ce sentiment positif est également ce qui me reste des deux autres nouvelles, Le Bonheur conjugal et Le Diable. Même si les opinions et théories défendues dans ces romans ne trouvent pas toujours d’écho en moi ni d’approbation de ma part, je me suis surprise à lire avec avidité pour connaître la manière dont la situation évoluerait. Même si les nouvelles présentent des situations pour le moins désabusées, limite cyniques, et toujours faites de compromis et de « moins pire », loin des happy ends que j’aurais aimé en ce temps des fêtes, je ne peux pas m’empêcher d’aimer la prose de Tolstoï…
Une lecture globalement positive, bien que très peu adaptée au temps des fêtes, du fait de sa noirceur et de son manque de joie et de positivisme. Tolstoï, malgré ses idées assez particulières et assez peu à mon goût, est un auteur à lire, assurément…
Cette lecture s’inscrit elle-aussi dans le cadre de la semaine russe, et de mon défi Une année en Russie, édition 2011 !
(Traduction) La Sonate à Kreuzer
(Suivi de Le Bonheur conjugal et de Le Diable)
Tolstoï