Le Docteur Mystérieux / La fille du Marquis – Alexandre Dumas
Edité pour la première fois en roman-feuilleton dans Le Siècle sous le titre Création et Rédemption à partir de fin 1869, puis imprimé en 1872 chez Michel Lévy en 4 volumes sous les titres Le Docteur mystérieux et La Fille du marquis, cet ensemble romanesque fut annoncé dans son journal Le Mousquetaire dès 1853, presque 20 ans avant sa parution posthume, roman de la Révolution française que l’on peut rapprocher des autres romans révolutionnaires de Dumas tels que Joseph Balsamo, Ange Pitou, Le Collier de la Reine, La Comtesse de Charny, Les Blancs et les Bleus, Les compagnons de Jehu, Le Chevalier de Sainte-Hermine, Le Chevalier de Maison-Rouge… ou même de Quatre-vingt-treize de Victor Hugo.
Comme toujours chez Dumas, les personnages romantiques (le docteur Jacques Merey, Eva de CHazelay) se mêlent aux acteurs réels de l’Histoire comme Danton, Marat, Robespiere, Saint-Just, Dumouriez, Desmoulins, Charlotte Corday, Vergniaud, Joséphine de Beauharnais… pour composer une histoire dramatique portée par le souffle, ou plutôt l’ouragan de la Révolution française.
L’action commence en 1785 à Argenton, dans le Berri, petite ville très peu touchée par les bouleversements révolutionnaires où un docteur humaniste et un peu alchimiste s’intéresse à une jeune fille muette abandonnée par son père aristocrate. Il l’adopte, la guérit, l’éduque… et ils tombent amoureux.
Ils seront ballotés dans le creuset de l’Histoire et leurs destins suivront le cours des événements, de la mort de Louis XVI à celle de Robespierre, de la création à la rédemption, tout au long de cette période sombre de notre histoire, La Terreur…
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Il y a bien longtemps que je n’avais pas mis le nez dans un des nombreux romans de Dumas qui se trouvent dans ma PAL. En fait, je ne crois pas avoir lu autre chose de lui que L’Histoire d’un Casse-Noisette depuis que j’ai crée cet humble blog, chers lecteurs. Mais ce roman a piqué mon intérêt, par le fait que c’est un roman jusqu’à présent inédit (et je ne résiste que difficilement aux inédits de Dumas qui sont publiés à la pelle depuis quelques années), que Dumas est un auteur qui, on ne le répètera jamais assez, sait comment emporter son lecteur dans des aventures tourbillonnantes, avec un humour que j’adore, et finalement parce que l’histoire m’intéressait.
Mais quelle est-elle, cette histoire ? Une histoire d’amour, à la base. L’histoire d’une création. Le destin de Jacques Merey, médecin bien mystérieux, à la fois humaniste et scientifique, généreux, humble, uniquement motivé par le désir de soigner, de soulager les petites gens, croise un beau jour celui d’une petite fille qui semble abandonnée de tous. Gardée dans une cabane en bois par un chasseur et sa vieille mère, la petite a été complètement abandonnée par ses parents. Pourquoi ? Parce qu’elle ne parle pas, ne marche pas, ne semble faire preuve d’aucune intelligence. Stupide, amorphe. Jacques ne peut laisser les choses en leur état et décide d’essayer de soigner la petite fille de 7 ans et de la sortir de sa léthargie. Pendant plusieurs années, il lui prodiguera des soins très en avance pour l’époque, des soins qui parviendront à guérir la jeune fille, qu’il a appelée Éva. Et ce qui devait arriver arriva. Lorsque la jeune fille devient une belle jeune femme, il tomba amoureux de sa création et les sentiments paternels qu’il portait à la petite Éva devinrent ceux d’un amoureux. Sentiment qu’Éva semblait partager… jusqu’au jour où la révolution française fait son apparition dans la petite ville du Berri où Jacques vivait paisiblement. Jacques est un ardent défenseur du peuple, il ne supporte pas l’aristocratie. C’est donc tout naturellement qu’il accepta la charge de député révolutionnaire que lui confièrent les habitants du village… et c’est alors que l’histoire et l’Histoire s’entremêlèrent, ballotant Jacques et Éva au gré de ses fantaisies. Il faudra à Jacques et Éva plusieurs années et quelques 500 pages bien remplies pour pouvoir enfin goûter au bonheur qu’ils auront chèrement payé.
J’ai une confession à faire, chers lecteurs. La période de la Révolution et de la Terreur n’est pas celle que je préfère dans l’Histoire de France. Et je ne m’attendais pas à ce qu’elle prenne autant de place dans ce roman. Et pourtant, je sais que de par son histoire, c’est une période que Dumas affectionnait particulièrement et au sujet de laquelle il a écrit de nombreux romans, dont ceux cités par la quatrième de couverture (et qui font tous partie de ma PAL). C’est donc avec un enthousiasme moyen que j’ai remarqué que finalement, l’histoire de Jacques et Éva allait passer largement derrière l’histoire de la Terreur. Mais malgré tout, le style de Dumas suffit à rendre intéressant même une période que je n’aime que peu ! Je me suis laissée emportée par les histoires de Danton, de Robespierre, de Marat et de Charlotte Corday, des batailles contre la Prusse, des victoires des armées françaises révolutionnaires…
Le roman est divisé en deux parties. La première, Le Docteur Mystérieux, relate les événements du point de vue de Jacques, la seconde, La Fille du Marquis, relate les événements qui font suite à ceux du Médecin Mystérieux du point de vue d’Eva. L’un sur les champs de bataille, l’autre face à la guillotine. L’un sur un ton plus militaire, plus factuel, plus observateur, l’autre sur un ton tout féminin, emprunt de la sensibilité qu’on peut accorder aux jeunes femmes, plein d’empathie et d’observation sur la religion et la vie après la mort…
J’avoue avoir de loin préféré la seconde partie, qui se déroule majoritairement à Paris, dans les prisons, sur la place de la guillotine, à la première, qui parle beaucoup de batailles et de stratégie. Parce qu’elle rejoint plus ce qui m’intéresse dans l’histoire, parce que je me suis sentie plus touchée par le ton d’Éva, douce et jeune, forte malgré sa jeunesse.
Un roman de Dumas que je ne conseille pas à ceux qui n’ont pas encore rencontré le grand Dumas, car à mon sens, ce n’est pas son meilleur. Même si on le sent inspiré par le thème, ce n’est pas le plus palpitant, ni le plus emballant. Il n’en reste pas moins un roman très prenant, dans lequel le talent de conteur de Dumas nous emporte sur les traces de Jacques et Eva et des armées françaises sans nous ennuyer, ou presque. Cela confirme mon amour pour lui, chers lecteurs !
(Titre original) Le Docteur Mystérieux et La Fille du Marquis
Alexandre Dumas Père