Traversées Nocturnes – Paul Raymond Côté et Constantina Mitchell
Ville de Québec, 1734. A la suite d'un événement tragique, le baron Jean-Luc de Montigny quitte Bordeaux pour la Nouvelle-France en compagnie de son jeune fils. Une fois arrivé à destination, il se heurte bien vite à une société esclavagiste, barbare et mafieuse qu'il combattra de son mieux.
Convaincu d'avoir enseveli son cour en France, Jean-Luc deviendra pourtant amoureux d'une femme née dans la colonie, qui porte elle aussi un lourd fardeau. Tous deux devront tirer un trait sur le passé s'ils espèrent goûter à nouveau au bonheur. En seront-ils capables ?
Ce roman nous entraine dans le récit d'amours déchirantes et nous dévoile un pan méconnu de l'histoire du Québec, celui des relations complexes entre les colons, les Amérindiens et les esclaves noirs que l'on exploitait alors impunément presque partout Nouvelle-France.
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J’ai découvert Traversées Nocturnes une fois de plus grâce à ma moitié, qui avait repéré ce premier roman dans le journal. L’histoire me semblait plutôt intéressante, assez intrigante même et j’avoue que le fait de mentionner l’esclavagisme dans la nouvelle colonie a piqué ma curiosité. Car c’est un sujet qu’on voit assez peu dans les romans sur la fondation de la Nouvelle-France… même si l’histoire se passe près d’un siècle après l’arrivée des premiers colons…
Le roman s’ouvre sur un homme enfermé dans une cellule. Nous sommes peu après la révolution française, dans les années 1790. L’aristocratie n’a pas vraiment le vent en poupe et Pierre est à la veille de passer sur l’échafaud. Il tire alors de son habit quelques pages manuscrites… le journal de son père, daté d’une cinquantaine d’année. À l’époque, le père de Pierre, Jean-Luc, avait quitté Bordeaux pour la Nouvelle-France, cherchant à fuir un passé douloureux. Pierre parcours les pages et les images s’imposent à lui…
Québec, 50 ans plus tôt. Jean-Luc débarque en Nouvelle-France pour rendre visite à son oncle, installé là. A peine arrivé, il apprend que celui-ci est décédé et qu’il est son légataire universel. Il a hérité de la propriété de son oncle, mais aussi des esclaves qu’il possédait. Pour pouvoir hériter, il doit cependant remplir certaines conditions… en parallèle, Jean-Luc rencontre une jeune femme, née ici, en Nouvelle France. Son regard est triste. Elle semble comme lui porter le fardeau d’un lourd passé. Petit à petit, le lecteur découvrira ce qu’a fui Jean-Luc et ce qui a rendu son regard aussi vide, une horreur sans nom, une douleur insupportable…
Ce roman est un roman fascinant que j’ai vraiment beaucoup aimé, chers lecteurs. D’une part par la forme du récit, qui mêle la vie et les pensées de Pierre, la vie de Jean-Luc et des extraits de son journal intime. C’est un roman historique, certes, où l’on aborde la question de l’esclavagisme en Nouvelle-France, un sujet pourtant bien peu traité habituellement, l’achat, la libération des esclaves, la bonté de certains maîtres et la cruauté d’autres. Mais c’est surtout et avant tout roman sur le deuil. On le sait rapidement, les deux protagonistes principaux ont tous les deux perdus un être chers. Tout l’intérêt du roman est de nous raconter, petit à petit, comment cela s’est produit, et comment, par la parole, par la recherche de l’autre, chacun tente de faire son deuil. Peut-on vraiment aimer une autre personne, n’est-ce pas l’être disparu que l’on aime à travers cette autre personne, comment peut-on jamais oublier quelqu’un qui nous a été si cher et qu’on a perdu d’une manière si horrible ? Oublie-ton jamais ?
L’écriture du roman est fluide, on se laisse emporter dans cette période troublée, alors que la guerre avec les Anglais n’est pas résolue, que la France est en train de laisser la colonie partir à l’abandon, l’inflation atteint des sommets et chacun lutte pour faire sa place, que les relations avec les Amérindiens sont, comme à l’accoutumée, difficiles et marquée par la méfiance réciproque. L’histoire des personnages est subtilement mêlée à l’Histoire avec un grand H. Tout ce que j’aime, en bref !
Un roman que j’ai vraiment apprécié, chers lecteurs, et dont je vous recommande chaudement la lecture !!
(Titre original) Traversées Nocturnes
Paul Raymond Côté et Constantina Mitchell
4 /5